L’aptitude de Madeline Diener à employer des techniques très variées lui assura la sécurité de nombreuses commandes et la liberté de les choisir. Ses apprentissages successifs, lui ont donné une réelle aisance dans le dessin, la peinture sur divers supports, la sculpture ; mais elle aimait particulièrement la gravure. Elle pensait rendre ainsi plus forte son expression personnelle marquée par la douceur qui caractérisait beaucoup de ses relations, surtout avec les enfants et les pauvres. Peut-être gardait-elle une empreinte des heures passées à étudier les gravures de Rembrandt ?
La gravure
William Cuendet lui avait fait remarquer : « L’eau forte est au tableau ce qu’une libre correspondance est au livre ; ce que, dans l’œuvre de Beethoven, le quatuor est à la symphonie. Dénuée de la magie splendide, et parfois illusoire, de la couleur, elle a un caractère de confession voilée ou de confidence directe… Rembrandt, chaque fois qu’il a voulu dire aux hommes, ou à lui-même, quelque chose qui lui tenait tout particulièrement à cœur, sauf vers la fin, c’est au cuivre et au papier qu’il l’a confié : la Pièce aux cents florins, les Trois Croix ou même telle petite feuille de clair-obscur, toute chargée de «barbes», comme Le Christ au Jardin des Oliviers sont, sous une forme restreinte, tout aussi mystérieuses que ses meilleures toiles. » (Texte de William Cuendet, cité par Paul Baudiquey dans «Un évangile selon Rembrandt,» collection « Un certain regard » aux Editions Mame, Paris, 1989).
Pour des raisons pratiques, Madeline Diener ne disposait dans son atelier que d’une presse adaptée à la gravure sur bois, mais devait recourir à l’extérieur pour les tirages sur cuivre ou bien les lithographies qu’elle exécuta aussi, mais moins souvent. Par contre, elle expérimenta les nombreuses possibilités offertes par l’usage occidental d‘un ou de plusieurs passages ; elle recourut même à la façon japonaise de colorer les gravures d’autant de passage de couleurs qu’elle avait préparées à l’avance, et qu’elle appliquait horizontalement sur le même bois à l’aide d’un pinceau carré acheté dans des magasins asiatiques. De même, faisait-elle venir de Corée ou du Japon des papiers bien différents de ceux qu’elle pouvait trouver ici.
La mosaïque
En 1954 l’artiste écrivit à sa mère « Le bois m’emballe comme matière, je pense que je vais de plus en plus laisser tomber la peinture pour faire soit de la mosaïque, soit du bois, de la gravure, enfin quelque chose qui tienne de l’art autant que de l’artisanat, quelque chose où il y ait à la fois une matière et la nécessité d’un travail manuel ». Que ce soit en perpétuant les gestes des bâtisseurs des églises de Ravenne, ou en assumant ceux de ses contemporains, Madeline créa de nombreuses mosaïques chaque fois en rapport avec les exigences des lieux.
Madeline a fait plusieurs apprentissages de la technique de la mosaïque : encore chez Stoffel, en 1954, elle a passé plusieurs semaines dans l’atelier de Toso à Murano pour apprendre la technique des premiers siècles, ce qui lui a valu de gagner en 1955 le concours « l’Art dans l’Eglise » à Genève. Mais elle voulait apprendre comment réaliser une mosaïque de plus grandes dimensions que celle de Genève. Elle fut donc heureuse de travailler en 1961 avec l’artiste autrichien T. Schnieider-Manzell à réaliser la grande mosaïque du chœur de l’Erlöserkirche de Zurich .Non contente de ces réussites, elle s’inscrit au cours de M. Licata aux Beaux-Arts de Paris, en 1954, pour se mettre au courant des nouvelles techniques afin de créer une mosaïque abstraite de 16 M. de long dans la cour du collège se Saint Maurice. C’est dire son souci de perfection: composer les stations du Chemin de croix. “Quand je reçois une commande, disait-elle, je cherche ce qui serait le mieux pour y répondre ; Et ensuite, je vois chez qui apprendre pratiquement ce que je ne sais pas. »
Et si elle voulait créer une nouvelle façon de réaliser une œuvre, elle n’hésitait pas à consulter longuement des ingénieurs de Gettaz-Roman pour apposer sur de très vieux murs des panneaux en métal supportant la mosaïque souhaitable. Plus encore, elle apprit dans une usine de carrosserie comment découper des feuilles d’aluminium pour composer les stations du Chemin de Croix de l’église de Montsevelier en les collant comme Matisse avait fait des papiers de couleur.
Les nombreuses lectures dont témoigne la bibliothèque de Madeline Diener, corroboraient sa volonté d’acquérir la maîtrise des artisans en se faisant leur élève, selon les occasions. Dans le même esprit, elle multiplia les voyages , même lointains, pour étudier concrètement les œuvres d’art élaborées dans des cultures différentes de la sienne.
Le dessin
Madeline Diener ne cessa jamais d’étudier régulièrement les poses des modèles vivants en allant fréquenter les académies, pour toujours se perfectionner avec l’humilité d’une débutante. Cependant, elle avait un style propre. Presque toujours, elle rendait sensible, dans les œuvres qu’elle composait, un détail qui interroge le spectateur en sollicitant sa sensibilité : par exemple la fenêtre ouverte laisse passer une lumière – un sens révélé – qui transforme l’espace parce qu’elle éclaire un simple bouquet… C’était la source de son travail, de l’humilité et de la liberté simultanée de son inspiration, car elle s’appliquait autant à représenter le quotidien de la nature qu’à évoquer une scène explicitement religieuse, cherchant toujours la bienveillance du Créateur sous l’apparence banale des choses
La peinture
Plus que le contour des objets ou des paysages que Madeline Diener a souvent peint à l’aquarelle ou à l’acryl, c’est surtout la lumière qui les nimbait qui retenait son attention ; ces reflets changeant sans cesse lui ont fait représenter le même paysage des dizaines de fois, comme Claude Monnet fasciné par la cathédrale de Rouen. Elle renonçait progressivement à tout détail susceptible de distraire le regard : « Pour moi, disait-elle, un tableau est fini quand on ne peut plus rien en retirer ».