Un parcours atypique

Comme les autres artistes qui ont voulu soutenir la prière par des œuvres contemporaines Madeline Diener a élaboré un langage apte à partager sa foi. Or, son chemin est original en ce qu’elle venait d’une famille aux appartenances multiples, et que sa formation humaine était très particulière. Dès son enfance, elle était spécialement sensible à la complexité tant sociale que spirituelle du nombre des gens qui entrent dans les églises. De la sorte, le Concile Vatican II n’a pas modifié ses premiers choix et elle n’a pas ressenti, comme beaucoup d’autres, la nécessité d’une rupture avec les usages antérieurs. Au contraire, elle tenait à honorer les ouvrages que la réforme liturgique obligeait à remplacer sans les cacher pour autant. C’est pourquoi elle trouva des solutions harmonieuses dans les diverses œuvres nées de la foi en dehors de l’Occident. Elle tient donc une place reconnue dans l’Art sacré actuel.

Préparations providentielles

Madeline Diener est née le 20 décembre 1930 d’un ménage déjà séparé et a donc été élevée chez son grand-père maternel, Oscar Hirschfeld, après qu’il eut vendu son usine de broderies de Saint Gall et qu’il se fut installé au bord du lac Léman, à Lausanne et à Chexbres.

Madeline et son grand-père maternel

Madeline a été marquée par l’exemple de son grand-père maternel dont l’historien Joseph OURS raconte qu’il fut le premier patron de l’Europe à associer aux bénéfices les 500 ouvriers de son entreprise de tissus brodés à St-Gall, le premier aussi à inventer les « congés payés ». Ce pourquoi saint Pie X voulut le recevoir au Vatican.

Tableau de Léo Andenmatten qui la représente enfant en train de peindre avec la concentration d’une adulte

Pour comprendre les particularités de l’éducation de Madeline Diener , il faut placer sa formation artistique dans le contexte de l’histoire de l’Europe. Outre le temps de la shoah, il faut prendre en compte les échanges culturels et commerciaux qui ont façonné l’Europe au cours des siècles précédant les grandes guerres. Le milieu industriel des deux familles de Madeline a joué un rôle particulier et explique la vaste culture des parents de cette artiste. Non seulement, leur enfant était polyglotte mais dès sa jeunesse elle fut aussi initiée par eux aux traditions culturelles exotiques.

A Hohenems en Autriche (Vorarlberg), on peut apprendre, l’histoire séculaire de cette famille à l’émouvant Musée Juif que les descendants Hirschfeld ont fondé dans la maison familiale en 1998, pour être un appel à la Paix. L’arriere grand mère de Madeline y a été arrêtée et déportée. A l’entrée, une plaque de cuivre évoque son dévouement héroïque en 1943.

Par ailleurs, la proche parenté maternelle et paternelle de Madeline Diener appartenait à différents courants religieux : juifs ou protestants, même agnostiques, mais toujours assez spirituels pour entretenir de belles amitiés avec des Bouddhistes, des Communistes, des athées, et la petite fille les respectait tous, bien que se reconnaissant personnellement catholique.

Le grand père de Madeline, était juif libéral, extrêmement artiste et cultivé. Il vendit la belle maison de Chexbres dans laquelle il s’était retiré pour y passer sa retraite, afin d’acquérir à Chaulin une ferme assez vaste pour abriter les quinze membres de sa famille, juifs réfugiés d’Autriche et d’Allemagne. En même temps, ce généreux aïeul finançait les études des garçons au Polytechnicum de Zurich et leur installation ultérieure aux U.S.A. Cette grande libéralité avait été forgée par une cruelle série de deuils familiaux qui l’avait éprouvé dès son adolescence. C’est un homme exceptionnellement libre qui cultiva les dons de celle qui fut le sourire de sa vieillesse.

Entourée d’une élite fortunée, la petite fille mesura pourtant très jeune le danger de la richesse qui risque d’altérer l’humanité des « privilégiés ». Un dessin de Madeline Diener, alors âgée de huit ans, fut publié dans une revue pédagogique, sous un âne qui se mord la queue elle avait ajouté ce commentaire: « Pauvre petit âne qui va mourir de faim parce qu’il ne veut pas ouvrir sa bouche »

On comprend la maturité précoce qui l’attacha à la longue succession des spirituels amoureux de la pauvreté comme moyen d’accéder à Dieu dès cette terre : Rembrandt, saint François d’Assise, le bienheureux Charles de Foucauld ont profondément impressionné Madeline. Elle tenta même un court moment d’entrer dans la congrégation des Petites Sœurs de Jésus qui suivaient la règle de ce dernier. Revenue à sa vocation personnelle d’artiste, Frère Charles resta cependant son modèle.